jeudi 12 octobre 2017

Rationnaliser la formation professionnelle

 A la tête de l'un de ces fameux organismes collecteurs de fonds qui servent à gérer et à mutualiser les contributions financières des entreprises relevant d'une branche professionnelle donnée - le Transport -, Anita d'Alnoncourt fait donc l'interface précieuse entre les demandes des multiples entreprises du transport et l'offre de quelque 70 000 organismes de formation. Optimisant les ressources des premières, évaluant celles des secondes. Mettant de la rigueur dans des flux financiers si copieux, initiant ses “clients” aux arcanes complexes de la machinerie riche de dispositifs peu rationnels. Bref, plaçant avec pertinence les critiques là où elles sont le plus justifiées afin d'échapper aux jugements caricaturaux de quelques politiques. “Au moment du regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés (par l'Etat) qui vient d'avoir lieu, nous avons été sollicités par certaines branches. Ces dernières ont estimé qu'on ne devait pas faire un GIE d'OPCA, mais un OPCA répondant à la notion de transport et de mobilité, ce qui explique d'ailleurs qu'on aille jusqu'aux agences de voyages. Avec cette première réforme, nous n'avions pas de problème pour atteindre le seuil critique de 100 millions car nous étions à 180. S'il y avait une deuxième réforme, ce qui est probable, on serait peut-être un peu juste. Mais la volonté est plutôt d'essayer de voir les branches se rapprocher. Ainsi, il nous manque deux grands secteurs, la SNCF – à elle seule plus importante que nous -, la RATP et l'Aérien. Or nous sommes totalement paritaires. Cela fait donc réfléchir nos syndicalistes et nos patrons car il faudrait intégrer beaucoup de syndicats alors que pour l'instant, nous arrivons à travailler à 36 administrateurs (18 syndicalistes, 18 organisations patronales), ce qui est déjà un exploit. Je suis persuadée que pour la formation, le paritarisme a toute sa place. Pour la gouvernance, il faut qu'il y ait une bonne coordination entre le conseil et son bureau avec son président et son vice-président, et puis les services. Nous sommes tous salariés, sauf les administrateurs. Nos patrons sont désignés, ce qui surprend parfois les syndicalistes. Ils représentent leurs organisations. La particularité d'un OPCA ? Chez nous, l'administrateur représentant tel syndicat est responsable en son nom. On peut donc comprendre qu'ils aient une implication plus forte. Ensuite, il faut arriver à trouver un moyen de concilier des avis et des sujets différents. Mais depuis que je travaille dans ce domaine, j'ai noté que le secteur de la formation est assez consensuel. Bien sûr, il y a des positionnements. Parfois, sur les dossiers évoqués, il y a d'un côté ou de l'autre des prises de position de principe, pour des raisons stratégiques, politiques, de fédération ou de confédération. On voit alors l'administrateur nous dire : je ne suis pas d'accord, je voterai non, ma confédération dit que… Parfois, il y a une certaine distanciation, des gens reconnaissent que la proposition n'est pas inintéressante mais ils se rallient malgré tout à une position “officielle”. Ils représentent une organisation et sont quand même obligés de respecter les directives. Nous pouvons donc arriver à faire avancer les choses mais c'est long. Or, je ne suis pas très patiente. Il faut beaucoup de pédagogie et de temps. On dit souvent que la formation est un millefeuille. En fait, je crois que le millefeuille est peu de chose à côté ! C'est très complexe car souvent, les gens autour de la table ne sont pas des spécialistes de la formation. Il faut d'abord qu'ils commencent à appréhender notre gestion car nos plans comptables sont très différents de ceux d'une entreprise et du monde économique habituel. Ainsi, les patrons ont mis un certain temps à admettre qu'on puisse inclure dans un compte de résultat des recettes qu'on allait toucher l'année suivante face à des dépenses de l'année en cours. Ce n'est pas normal, mais c'est la loi. Nous essayons de leur donner le maximum d'informations pour que chacun puisse comprendre le fonctionnement d'un OPCA. Ainsi, quand un texte est mis en place, on essaie de le synthétiser car ce n'est pas toujours très clair. Or si dans la salle quelqu'un n'a absolument pas “percuté”, il adoptera une position très violente ; mais si ensuite on va le voir et qu'on réexplique, il se rend compte que sa position n'était pas celle qu'il aurait pu prendre. Tout cela suppose donc beaucoup de réunions. Evaluer un OPCA dépend si on se situe d'emblée dans le monde de l'administration, avec ce qui a été mis en place dans les conventions d'objectifs très techniques : délais à respecter, visites en entreprise à faire. Bref, des mesures prises sans bien savoir ce que cela peut donner dans le domaine qualitatif. Un bon OPCA est celui qui arrive à être identifié par les entreprises, y compris des petites, comme étant leur référence quand elles ont un problème de formation ou de recrutement. Bref, il faut que les salariés aient suffisamment confiance en nous pour nous solliciter à les aider à trouver la meilleure formation ou filière. La reconnaissance des entreprises est beaucoup plus longue, car toucher des salariés n'est pas si facile. Même si désormais, nous observons que certains d'entre eux nous téléphonent, nous écrivent pour demander un renseignement. La réussite d'un OPCA se mesure à sa capacité à se mettre à la portée des entreprises, y compris des moyennes et petites. Dans une société de 150 personnes, les contraintes de productivité sont dix fois plus prenantes et la formation n'est presque rien pour elle. D'où le besoin d'un appui. Or ces entreprises finissent par nous identifier et nous faire confiance. Bien évidemment, les grandes sociétés ont un retour sur leur investissement formation plus évident que les petites. Elles ont aussi davantage de besoins. Mais dans notre secteur qui compte 33 000 entreprises, il y en a 22 000 petites dont un grand nombre ont moins de 10 salariés. Les contributions de ces dernières concernent les contrats de professionnalisation, l'embauche, les DIF. On a mis en place beaucoup de procédures pour leur faciliter l'accès à la formation. Car dans le secteur des transports, il y a beaucoup de formations obligatoires. Une fois ces contraintes satisfaites, l'objectif est qu'elles accèdent à d'autres choses ; ce n'est pas très facile parce qu'elles ont souvent des problèmes de disponibilité de personnel.