jeudi 7 mai 2015

Petits amis dans le réseau

Les émissions culinaires de télé-réalité sont rarement intéressantes et reflètent généralement bien plus la réalité du monde télévisuel que celui de la gastronomie. Néanmoins, cette année, l’émission Top Chef sur M6 nous offre un aperçu intéressant et révélateur de l’état d’esprit dans lequel évoluent nos grands chefs. Et ceci grâce à l’apparition d’une pré-émission Objectif Top Chef, au cours de laquelle le chef Philippe Etchebest, par ailleurs désigné meilleur ouvrier de France en 2000, est parti à la recherche d’un apprenti pour qu’il participe ensuite au concours parmi les professionnels. Quelques mois plus tard, lors de la demi-finale de la compétition, Olivier Streiff, candidat atypique, original, expérimenté et talentueux, a dû rendre son tablier (au terme d’une épreuve qui a provoqué un tollé sur la toile) au profit de Xavier Koenig, le vainqueur du concours, un jeune apprenti doté d’un talent évident mais beaucoup moins expérimenté et technique que son camarade. Il n’y a évidement aucun besoin de crier au complot comme aiment à s’en moquer les journalistes de L’Express [1] — afin d’éviter un questionnement vraiment légitime — puisque les complots sont par nature des projets cachés au grand public, alors qu’ici, au contraire, c’est sous nos yeux que nos grands chefs dévoilent leurs travers symptomatiques. Comment explique-t-on donc ce qui apparaît comme une évidence pour nombre d’entre nous ? Qui n’a pas réalisé que Xavier Koenig a été aidé à de nombreuses reprises lors de ces émissions afin de lui permettre de terminer ses plats et de ne pas se faire exclure du concours ? Comment expliquer que Philippe Etchebest, meilleur ouvrier de France et technicien hors pair, n’ait pas réussi lors d’une émission suivant ce « scandale » (dans laquelle il venait justifier l’élimination d’Olivier Streiff) à trouver des arguments basés sur le goût et la technique des plats des concurrents, mais simplement sur le système de points et l’absence de diffusion intégrale des commentaires du jury (qui viserait à conserver le suspens) [2] ? D’ailleurs, ces fameux commentaires, apparemment occultés par une prétendue maladresse de montage, auraient bien pu être partagés a posteriori. En réalité, il y a vraiment eu une mise en avant évidente du candidat alsacien et l’affection toute particulière et à peine dissimulée de Philippe Etchebest pour cet apprenti n’est pas le seul fait du hasard ni entièrement due au talent, par ailleurs indiscutable, de ce jeune cuisinier certainement plein d’avenir.